Myopia
Agnes Obel (vinyle neuf)

Myopia », un album de l’auteure-compositrice-interprète danoise Agnes Obel, explore une myriade de paysages sonores en plongeant l’auditeur dans un monde introspectif et éthéré. Publié en 2020, cet album est un voyage à travers l’auto-réflexion, le calme intérieur, et une exploration des ténèbres et de la lumière qui coexistent dans notre monde intérieur. Obel, avec sa voix angélique et ses mélodies hypnagogiques, propose une immersion dans un état de rêve dans lequel les auditeurs sont invités à perdre et retrouver à la fois.

Le titre de l’album, « Myopia », qui signifie myopie en français, offre une première indication du thème exploré: une vision du monde perçue à travers un prisme personnel et introspectif. La myopie est une condition où la vision à distance est floue alors que la vision de près est généralement nette. Ainsi, à travers cet album, Agnes invite les auditeurs à se tourner vers l’intérieur, à regarder de près leurs pensées et émotions les plus profondes, à faire l’expérience d’un voyage introspectif plutôt que de rester focalisés sur le monde extérieur.

La piste d’ouverture, « Camera’s Rolling », introduit d’emblée l’auditeur dans cet espace intime. Les paroles évoquent une sorte de conscience de soi et de la difficulté à se libérer des jugements, qu’ils viennent de soi-même ou des autres. Les cordes, soigneusement arrangées, oscillent entre la mélancolie et une sorte de libération, établissant un paysage sonore qui permet à l’auditeur de s’immerger dans le monde d’Obel, et de mettre de côté, ne serait-ce qu’un moment, son propre scepticisme.

« Broken Sleep » explore les notions de réveil et de sommeil, mêlant des images de rêves fragmentés à des motifs de solitude et d’insomnie. Les harmonies vocales entrelacées créent un voile de mystère, où chaque note semble flotter dans l’espace, comme des pensées disparates dans un esprit assoupi. L’orchestration dans ce morceau – et dans l’ensemble de l’album – est d’une délicatesse calculée qui donne à chaque note et chaque pause leur propre moment de signification.

« Myopia » est également un album sur le processus créatif lui-même. Dans diverses interviews, Obel a exprimé la manière dont la création de cet album a été une expérience solitaire et introspective. Elle s’est isolée du monde extérieur, réduisant volontairement sa vision pour se concentrer sur son propre monde intérieur. C’est un espace où l’artiste peut explorer sans entraves les profondeurs de sa créativité et de sa conscience. Cette expérience de retrait du monde est manifeste tout au long de l’album, non seulement dans les thèmes explorés mais aussi dans les choix de production musicale.

« Island of Doom », l’un des single de l’album, illustre ce sentiment d’isolement. Obel y chante la mort et la séparation, mais en même temps, il y a une sorte d’acceptation de la finalité et une réconciliation avec la perte. L’arrangement musical, avec son piano répétitif et son instrumentation minimale, se construit graduellement pour créer une expérience auditive à la fois méditative et transcendante.

La piste « Promise Keeper » explore le désir humain de connexion et la trahison inévitable qui découle parfois des promesses non tenues. Ici, les mélodies douces et les harmonies vocales produisent un décalage hypnotisant entre la forme et le contenu, entre le son angélique de la musique et la douleur des paroles.

L’une des caractéristiques notables de « Myopia » est la capacité d’Obel à utiliser les instruments et sa voix d’une manière qui enveloppe l’auditeur, créant un monde à la fois étrangement familier et mystérieusement lointain. Les mélodies au piano, les cordes vibrantes, et la voix douce d’Obel semblent flotter dans l’espace, formant une couverture sonore qui invite à la contemplation.

Cet album, dans son intégralité, sert de rappel que dans notre recherche constante de sens et de compréhension, il y a une beauté dans l’incertitude et dans l’acte de chercher lui-même. La myopie, tant dans un sens littéral que métaphorique, limite notre vision du lointain, nous obligeant à nous concentrer sur ce qui est directement devant nous. Pour Obel, cela signifie plonger dans les profondeurs de l’esprit et naviguer à travers les eaux parfois troubles de la conscience.

Avec « Myopia », Agnes Obel a non seulement produit un ensemble de pistes qui servent de miroir à sa propre introspection, mais a également créé un espace où les auditeurs peuvent se perdre et se retrouver, un espace qui, malgré sa nature introspective et parfois mélancolique, offre un sentiment de paix, de calme et d’une beauté délicate.

Dans le contexte plus large de sa discographie, « Myopia » se démarque comme un moment de contemplation profonde, représentant un artiste qui, à travers l’acte de se replier sur elle-même, a découvert une univers de sonorités et d’émotions qui résonnent bien au-delà des limites de son propre esprit.