L’album « (What’s the Story) Morning Glory? » d’Oasis, sorti en 1995, demeure non seulement un joyau de la Britpop, mais aussi un chapitre indélébile dans l’histoire du rock alternatif. En creusant plus profondément dans cet album, on découvre un paysage musical robuste, une amalgamation d’émotions et une narration à la fois révoltée et exquise qui continue de résonner à travers les générations.
Les frères Gallagher, Liam et Noel, étaient les piliers de ce groupe britannique formé en 1991 à Manchester. L’alchimie entre le timbre unique et l’attitude rebelle de Liam, ainsi que le talent d’écriture et la musicalité de Noel, a engendré une dynamique fructueuse, bien que tumultueuse. « (What’s the Story) Morning Glory? » est le deuxième opus du groupe, suivant leur premier album « Definitely Maybe ». Ce second volet a non seulement solidifié leur statut sur la scène internationale, mais a également incarné une époque, une attitude, et un mouvement culturel qui se démarquaient dans le milieu des années 90.
La pochette de l’album, représentant deux hommes se croisant sur Berwick Street à Londres, nous plonge d’emblée dans une atmosphère urbaine, quotidienne et quelque peu mystérieuse. Cette rue, connue pour ses disquaires, symbolise le contexte musical et la culture pop du Royaume-Uni de l’époque. Elle prépare l’auditeur à une expérience qui va au-delà de la simple écoute musicale, conviant à un voyage dans le temps et l’espace du milieu rock britannique des années 90.
L’album s’ouvre avec « Hello », une piste énergique qui donne le ton avec ses guitares distordues et la voix caractéristique de Liam Gallagher. La chanson exprime un désir ardent de reconnaissance et une affirmation de soi qui sera une thématique récurrente à travers l’album. Les paroles « I don’t feel as if I know you, you take up all my time… » annoncent le dialogue souvent conflictuel mais passionné entre le groupe et son auditoire, une sorte de lutte amoureuse où l’artiste et le public se cherchent et se repoussent mutuellement.
« Roll With It » et « Wonderwall », les deux singles qui suivent, sont devenus des hymnes générationnels. « Roll With It » avec son optimisme rebellieux encourage à persévérer dans les moments difficiles, un message universel enveloppé dans un son résolument rock. D’autre part, « Wonderwall » devint rapidement un classique, son mélange de mélancolie et d’espoir étant presque irrésistible. La mélodie accrocheuse, la voix éraillée de Liam et les paroles émotionnellement chargées créent un paysage sonore qui a su traverser les décennies sans perdre de sa pertinence ou de son attrait.
« Dont Look Back in Anger », chantée par Noel, est un autre point culminant de l’album. Le piano introductif, inspiré par « Imagine » de John Lennon, sert de prélude à une chanson parlant de résilience et de rédemption. Cette chanson est souvent citée comme un moment déterminant de l’album, révélant une vulnérabilité et une sagesse qui contraste avec le reste du disque.
La piste titre « Morning Glory » illustre parfaitement l’essence rebelle et parfois autodestructrice de la vie rock and roll, en explorant les hauts et les bas du succès et de la célébrité. La batterie puissante, les guitares grondantes et le chant provocateur de Liam s’associent pour créer une chanson qui est à la fois un hymne et un avertissement.
« Champagne Supernova », la piste qui clôture l’album, est une épopée de près de sept minutes qui combine des éléments de rock psychédélique avec les thèmes récurrents de l’aspiration et de la mélancolie. Les paroles, bien que parfois nébuleuses, évoquent une quête de sens et de connexion dans un monde chaotique. La guitare lead de Paul « Bonehead » Arthurs et la participation du guitariste des Smiths, Johnny Marr, donnent à la piste une profondeur et une richesse sonore qui la distinguent nettement dans l’ensemble de l’album.
« (What’s the Story) Morning Glory? » transcende le simple statut d’album pour devenir un phénomène culturel, un moment figé dans le temps qui continue d’influencer artistes et fans à travers le monde. La dualité de l’album, oscillant entre l’assurance arrogante et une vulnérabilité sous-jacente, a capturé l’imaginaire de toute une génération. Les thèmes de l’isolement, du désir, de la perte et de la rédemption sont explorés avec une honnêteté brute et une mélodie enivrante.
Oasis a non seulement défini une époque, mais a aussi créé un legs qui a survécu aux tumultes internes du groupe et à leur dissolution en 2009. L’album est une célébration de la jeunesse, de l’excès, de l’ambition et du désespoir, encapsulé dans une production sonore qui est à la fois raffinée et crue. À travers les disputes et les rivalités, la magie de cet album réside dans sa capacité à nous connecter à une époque révolue tout en restant résolument actuel et pertinent.
Chacune des pistes offre une exploration, une aventure où le groupe partage des morceaux de leur âme, des réflexions sur la célébrité, l’amour, la perte et la solitude. C’est un carrefour où le désenchantement rencontre l’espoir, et où le familier se mêle à l’étrange. La beauté de « (What’s the Story) Morning Glory? » repose dans cette juxtaposition, dans l’espace entre ce qui est dit et ce qui est ressenti, offrant une échappatoire, un lieu de réflexion et de résonance émotionnelle pour tous ceux qui plongent dans son univers.
Les années ont passé depuis sa sortie, et pourtant, l’album reste un pilier, un témoignage du pouvoir de la musique d’Oasis à naviguer à travers le temps et l’espace, continuant d’inspirer et de toucher des générations de mélomanes.
Ces mélodies anthémiques, ces textes qui parlent à l’âme de ceux qui ont connu l’amour et la perte, ces guitares qui peuvent à la fois hurler d’audace et pleurer de mélancolie : tout ceci constitue l’ADN de « (What’s the Story) Morning Glory? ». La réussite fulgurante de cet album n’est pas seulement due à son succès commercial ou à ses hits omniprésents, mais aussi à sa capacité à rester enraciné dans la conscience collective.
On ne peut ignorer l’impact social et culturel de cet album, particulièrement au Royaume-Uni. Les paroles, les mélodies et même l’attitude d’Oasis sont devenues le porte-drapeau d’une génération qui cherchait à se définir dans une période de changements socio-économiques et culturels. L’audace, le défi, et même parfois la démesure des Gallagher ont trouvé écho chez de nombreux jeunes qui se cherchaient une place dans une société en pleine mutation. Le « Britpop », mouvement dont Oasis était l’un des leaders, devint l’expression d’une certaine résistance culturelle, d’un besoin de dire au monde que le Royaume-Uni avait encore des choses à dire en matière de musique rock.
D’autre part, la dynamique parfois explosive entre les frères Gallagher ajoutait une dimension supplémentaire à la narration de l’album. Cela était perceptible non seulement dans les médias mais aussi dans la musique elle-même. Les conflits, les passions, et l’énergie qui en résultaient ont forgé une relation amour-haine qui a fini par devenir l’une des signatures du groupe. Les disputes publiques et les annulations de concert sont devenues monnaie courante, mais elles ont aussi alimenté l’intérêt pour le groupe, leurs frasques devenant presque aussi légendaires que leur musique.
En rétrospective, « (What’s the Story) Morning Glory? » représente un moment où tout semblait possible pour Oasis. La combinaison de mélodies accrocheuses, de paroles sincères et d’une attitude rock’n’roll sans compromis a propulsé l’album à un statut iconique. Les thèmes universels de l’album, couplés à une exécution magistrale, ont garanti que sa résonance dépasse les frontières, les genres et les générations.
Les pistes de l’album, bien que variées dans le style et l’émotion, créent un tout cohérent qui emmène l’auditeur dans un voyage au cœur de la vie, de l’amour et de la perte. La voix unique de Liam et les talents d’écriture de Noel ont créé un dialogue qui explore la complexité de la condition humaine à travers le prisme du rock’n’roll.
On ne peut parler de cet album sans mentionner son impact sur les groupes et artistes qui ont suivi. La manière dont les Gallagher ont intégré leurs influences – les Beatles, Stone Roses, et d’autres – tout en créant un son distinctivement le leur a pavé la voie à d’autres. L’album a réinventé la roue non pas en abandonnant le passé, mais en le recréant, le rendant pertinent pour une nouvelle génération d’auditeurs.
Au-delà de sa musique, « (What’s the Story) Morning Glory? » est un témoignage de l’époque qui l’a vu naître. Les années 90 au Royaume-Uni étaient une période de changement, d’opportunités, mais aussi de défis. L’album capture cet esprit d’une manière qui continue de parler aux auditeurs aujourd’hui, et qui probablement, perdurera dans les décennies à venir.
Oasis a souvent été cité comme un groupe qui a redéfini ce que signifiait être une rock star à l’ère moderne. Ils étaient à la fois des enfants du chaos et des produits de leur époque, reflétant et façonnant la culture autour d’eux. « (What’s the Story) Morning Glory? » était, et reste, un éclair dans une bouteille, un moment où toutes les étoiles se sont alignées pour créer quelque chose de véritablement spécial.
En fin de compte, c’est un album qui continue de captiver, de réconforter, de défier et d’inspirer tous ceux qui se perdent dans ses méandres. C’est une épopée de la jeunesse, un cri de rébellion et un soupir de nostalgie, encapsulant une époque tout en offrant une éternité de réflexions et de rêveries à quiconque osant écouter.
Et ainsi, « (What’s the Story) Morning Glory? » demeure une pierre angulaire du paysage musical mondial, un joyau brut et brillant de la couronne du rock britannique, jouissant d’une longévité et d’une résonance qui traverse le temps et les tendances éphémères. Il est un rappel poignant de la puissance de la musique à articuler l’indicible, à naviguer dans les eaux parfois tumultueuses de l’expérience humaine, et à nous connecter les uns aux autres de manière profonde et indélébile.