« MTV Unplugged in New York » par Nirvana n’est pas simplement un album live ; c’est un monument musical, une célébration mélancolique de ce que fût le mouvement grunge au début des années 90, incarné par l’un de ses piliers les plus emblématiques, Kurt Cobain. Sorti le 1er novembre 1994, cet album est empreint d’une atmosphère poignante, notamment en raison du suicide tragique de Cobain quelques mois seulement avant sa sortie.
L’enregistrement de ce concert acoustique, réalisé dans les studios de Sony Music à New York le 18 novembre 1993, a été diffusé dans l’émission « MTV Unplugged ». Il met en scène un groupe au sommet de sa gloire, mais également un leader au crépuscule de son existence. L’atmosphère y est intimiste, sombre parfois, et toujours incroyablement honnête.
L’album débute par « About a Girl », une mélodie qui s’inscrit dans une ironie presque douloureuse compte tenu du contexte. Cobain, avec sa voix rauque et emblématique, offre une performance qui semble transcender le temps et l’espace, et invite à une immersion dans un univers où la vulnérabilité et la force coexistent dans une harmonie déchirante. Le choix de ce titre, initialement issu de leur premier album « Bleach », annonce d’emblée la couleur : ce ne sera pas un concert ordinaire.
L’interprétation des morceaux pendant ce concert dénude les mélodies et expose une autre facette de Nirvana, loin de l’énergie brute et du chaos contrôlé de leurs performances électriques habituelles. Les versions acoustiques des chansons, comme « Come As You Are » et « All Apologies », prennent ici une dimension nouvelle, révélant les habiletés mélodiques et la profondeur émotionnelle de Cobain comme compositeur et interprète.
L’une des particularités remarquables de « MTV Unplugged in New York » réside dans le choix des morceaux joués. Nirvana aurait pu se contenter de revisiter acoustiquement ses plus grands succès, mais le groupe a opté pour une setlist audacieuse, incluant des reprises de titres moins connus, mettant en lumière leur éclectisme musical et leur respect pour des artistes parfois restés dans l’ombre. Ainsi, les reprises de « The Man Who Sold The World » de David Bowie, ou encore « Jesus Doesn’t Want Me For A Sunbeam » des Vaselines, ajoutent une touche éclectique et dévoilent les influences variées du groupe.
La reprise du titre « Where Did You Sleep Last Night? », arrangée par le bluesman Lead Belly, clôt l’album sur une note à la fois majestueuse et tragique. L’intensité de l’interprétation de Cobain, sa voix éraillée et sa capacité à communiquer la douleur et la passion à travers chaque note, font de ce morceau l’un des moments les plus mémorables et poignants du concert. Le silence qui suit son dernier cri semble suspendre le temps, offrant un instant de réflexion et d’absorption du tourbillon d’émotions que la performance vient de délivrer.
Le concert fut également marquant par son esthétique visuelle. Cobain, vêtu d’un cardigan vert célèbre, ses cheveux en bataille encadrant son visage pâle, était l’incarnation visuelle de ses propres paroles, un mélange de désinvolture, de douleur et de pureté. Le décor, composé de chandelles et de fleurs, créait une atmosphère funèbre, presque prémonitoire, de la fin imminente du chanteur et du groupe.
« MTV Unplugged in New York » représente un moment figé dans le temps, un aperçu de l’âme torturée de Cobain et du génie musical de Nirvana. C’est une parenthèse, une respiration dans la discographie du groupe, dévoilant une autre facette de leur art, plus introspective et mélodique.
Plus qu’un simple album, c’est un héritage, un témoin du passage éphémère mais percutant de Kurt Cobain dans le monde de la musique. L’authenticité brute et la vulnérabilité qui se dégagent de cet enregistrement en font une œuvre intemporelle, qui continue d’inspirer et de toucher les nouvelles générations de musiciens et de mélomanes.
A travers cet album, le message de Cobain perdure, sa voix résonne toujours et son influence reste indéniable dans le paysage musical contemporain. « MTV Unplugged in New York » est un testament de son talent, un adieu non-dit à ses fans, et un rappel que, derrière la légende, il y avait un homme, un artiste, éperdument passionné et infiniment humain.