Tomorrow Is The Question! : L’album emblématique d’Ornette Coleman
Lorsque l’on évoque le nom d’Ornette Coleman, on pense inévitablement à sa contribution révolutionnaire au monde du jazz, son approche audacieuse et non conventionnelle, ainsi qu’à son empreinte indélébile sur la musique du XXe siècle. Son album « Tomorrow Is The Question! » est l’une des pierres angulaires de sa discographie et offre un aperçu fascinant de l’évolution de sa musique et de ses idées.
Contexte historique
Avant de plonger dans les détails de l’album, il convient de comprendre le contexte dans lequel il a été créé. Au moment de sa sortie en 1959, le monde du jazz était en pleine transformation. La période bop, dominée par des figures comme Charlie Parker et Dizzy Gillespie, laissait place à des formes plus libres et expérimentales de musique. Ornette Coleman, originaire de Fort Worth, au Texas, avait déjà attiré l’attention avec son premier album « Something Else!!!! » en 1958. Mais c’est avec « Tomorrow Is The Question! » qu’il a réellement commencé à bousculer les conventions.
Le son unique de l’album
La première chose qui frappe à l’écoute de cet album, c’est la sonorité distincte. Coleman abandonne le piano, un instrument central dans la plupart des ensembles de jazz de l’époque. Cela donne à la musique une sensation d’espace et de liberté, permettant aux instruments restants de dialoguer de manière plus directe. Le saxophone alto de Coleman, vif et plaintif, est au premier plan, soutenu par une section rythmique composée de contrebasse et de batterie.
Les collaborations
Un aspect crucial de « Tomorrow Is The Question! » est la présence de musiciens exceptionnels qui ont su comprendre et compléter la vision de Coleman. Le contrebassiste Percy Heath et le batteur Shelly Manne, en particulier, ont apporté une solide base rythmique à la musique, tout en s’adaptant aux improvisations libres et souvent imprévisibles de Coleman. Le tromboniste Don Cherry, qui deviendra un collaborateur régulier de Coleman, apporte également sa touche unique, avec un jeu qui oscille entre mélodie et abstraction.
Les pistes marquantes
L’album est ponctué de compositions mémorables, à commencer par la piste éponyme « Tomorrow Is The Question ». Ce morceau, avec son motif répétitif et hypnotique, pose une question à laquelle les musiciens répondent par des improvisations audacieuses. « Tears Inside » et « Mind and Time » sont d’autres moments forts, où Coleman démontre sa capacité à créer des mélodies accrocheuses tout en poussant les limites de l’harmonie et du rythme.
L’impact et l’héritage
« Tomorrow Is The Question! » n’était pas seulement un album de jazz de plus. Il a posé des questions fondamentales sur la nature de la musique et les règles qui la régissent. En remettant en question les conventions, Coleman a ouvert la porte à une nouvelle ère de liberté musicale. De nombreux musiciens, séduits par sa vision, ont suivi son chemin, menant au développement du free jazz dans les années 1960.
Cet album est également remarquable pour son approche démocratique de la musique. Au lieu de mettre l’accent sur un soliste vedette, Coleman favorise un jeu d’ensemble où chaque musicien a une voix égale. Cette approche collaborative a influencé de nombreux ensembles de jazz ultérieurs.
Conclusion
« Tomorrow Is The Question! » est bien plus qu’un simple album de jazz. C’est une déclaration d’intention, un manifeste musical qui a repoussé les frontières de ce que la musique pouvait être. Plus de six décennies après sa sortie, il continue de résonner avec force, rappelant à tous que la musique est un art en constante évolution, toujours prêt à poser de nouvelles questions et à explorer de nouveaux territoires. Dans le panthéon des grands albums de jazz, « Tomorrow Is The Question! » occupe une place de choix, non seulement pour sa musique sublime, mais aussi pour son audace et sa vision avant-gardiste.