« The Nearer The Fountain, More Pure The Stream Flows » est un album qui émane des profondeurs de la sensibilité artistique de Damon Albarn, un projet solo qui traduit ses réflexions introspectives en une tapestry sonore qui s’étend bien au-delà des horizons conventionnels de la musique. Ce n’est pas simplement un ensemble de morceaux, c’est une expérience auditive qui nécessite une immersion totale, un abandon aux vagues mélancoliques et aux courants de contemplation que l’album aspire à évoquer.
Damon Albarn, connu pour être le maître d’œuvre derrière Blur, Gorillaz, et The Good, The Bad & The Queen, n’est pas étranger à l’expérimentation musicale et à l’exploration de nouveaux territoires sonores. Dans « The Nearer The Fountain, More Pure The Stream Flows », sorti en novembre 2021, il se détache encore une fois de ses projets collaboratifs pour se plonger dans une aventure solo qui s’avère être un journal sonore de ses pensées et observations.
Cet album a germé à l’origine comme un projet orchestral inspiré par les paysages islandais. La majesté des terrains volcaniques, la pureté des glaciers, et la constance des cours d’eau islandais sont devenus une métaphore pour la vie, son écoulement continu et ses révélations qui deviennent plus claires à mesure que l’on s’approche de leur source. C’est dans cette perspective qu’Albarn a façonné son œuvre, capturant la beauté brute et souvent austère de l’Islande, tout en lui insufflant une vie intime à travers sa musique.
La pandémie mondiale de COVID-19 a eu un impact considérable sur la conception de l’album. Ce qui était prévu comme une œuvre à présenter en direct avec un ensemble orchestral s’est transformé en un projet plus introspectif. Confiné à l’isolement, Albarn s’est retrouvé à infuser ses compositions de sa solitude et de son introspection, ajoutant une couche d’intimité et de réflexion personnelle aux thèmes universels de la nature et du temps.
La piste qui donne son titre à l’album, « The Nearer The Fountain, More Pure The Stream Flows », ouvre avec une douceur presque méditative, une invitation à se rapprocher de la source, à la recherche de pureté. La mélodie se déplace avec la grâce d’un cours d’eau, délicate et persistante. Elle est caractéristique de l’approche d’Albarn sur l’album : des arrangements minimalistes mais évocateurs, des mélodies qui se déploient lentement, se révélant dans leur pleine expression avec patience et retenue.
Dans « Royal Morning Blue », Albarn explore les thèmes du passage du temps et de la révélation à travers l’image d’un lever de soleil, un renouveau quotidien qui nous rappelle la constance du changement. Sa voix, caractéristiquement émotive mais sous-estimée, porte la mélodie comme le ciel porte les couleurs de l’aube, avec une sorte de résignation sereine face à l’inéluctable.
« Daft Wader », l’un des morceaux les plus captivants de l’album, se démarque par son approche quasi cinématographique. Les synthétiseurs et les motifs rythmiques créent une ambiance qui semble flotter entre rêve et réalité. C’est une pièce qui reflète la dualité de l’expérience humaine – la recherche de sens dans un monde qui oscille entre le concret et l’éphémère.
La collaboration avec le compositeur islandais Ólafur Arnalds dans « Particles » apporte une dimension supplémentaire à l’album. Les talents combinés des deux artistes aboutissent à une pièce où le piano, élément central de la composition, est entrelacé de cordes et de textures électroniques, créant une symphonie qui évoque la danse des éléments naturels.
Chaque piste de l’album est comme un chapitre d’un livre, chaque mélodie raconte une histoire différente, mais toutes convergent vers une narrative commune : la recherche de la pureté et de la clarté à travers la proximité de la source. C’est une œuvre qui interpelle l’auditeur à considérer le lien intrinsèque entre la nature et l’âme humaine, entre le paysage extérieur et le paysage intérieur de nos pensées et émotions.
Le travail de production de l’album est un autre élément remarquable. Albarn, connu pour son aptitude à fusionner organique et électronique, utilise la technologie non pas pour dominer mais pour accentuer. Les sonorités synthétiques servent à souligner la texture organique de la musique, et non à la remplacer. C’est un équilibre délicat que beaucoup d’artistes cherchent à atteindre, mais que peu maîtrisent avec autant d’aisance qu’Albarn.
Dans « Polaris », Albarn atteint des hauteurs émotionnelles avec une simplicité désarmante. La chanson évoque l’étoile polaire, un point fixe dans le ciel nocturne, servant de métaphore pour la quête d’orientation dans l’obscurité de l’existence. La capacité d’Albarn à trouver de la grandeur dans la simplicité est manifeste ici, avec des arrangements qui ne cherchent pas à encombrer mais à clarifier, à illuminer.
L’album se clôt avec « Particles », un rappel de la connexion entre toutes choses, une coda qui réunit les thèmes explorés tout au long de l’album. Comme les particules qui composent notre monde, les notes d’Albarn et ses mots sont les éléments fondamentaux de son message artistique. Il nous rappelle que dans la recherche de la clarté, il est parfois nécessaire de se rapprocher, de s’immerger dans la source – que ce soit la nature, l’art ou l’introspection – pour trouver une forme de purification et de vérité.
En somme, « The Nearer The Fountain, More Pure The Stream Flows » est plus qu’un album, c’est une invitation à la réflexion, un voyage introspectif proposé par Damon Albarn. Il invite l’auditeur à se perdre dans la contemplation de la nature, de la musique et de soi-même, à la recherche d’une source de pureté et de vérité dans un monde de plus en plus bruyant et distrayant. C’est une œuvre qui restera dans les annales comme un exemple éloquent du pouvoir de la musique comme moyen d’exploration et d’expression personnelle.