« There Is No End », l’album posthume du légendaire batteur Tony Allen, est une oeuvre qui se dresse comme un testament à la fois intemporel et révolutionnaire. Sorti en 2021, cet album transcende les genres et les générations, offrant une palette sonore qui fusionne le jazz, l’afrobeat, le hip-hop et bien plus encore. Allen, qui est décédé en 2020, laisse derrière lui une collection de pistes qui non seulement honorent son héritage, mais qui poussent également les frontières de la musique vers de nouveaux horizons.
Pour parler de « There Is No End », il est essentiel de commencer par l’homme derrière la musique. Tony Allen est souvent cité comme l’un des plus grands batteurs de tous les temps. Né au Nigeria, il a été l’architecte rythmique de l’afrobeat, un genre qui a émergé dans les années 60 et 70 grâce à la collaboration fructueuse entre Allen et le pionnier Fela Kuti. Ensemble, ils ont créé un son qui était à la fois une protestation politique et une célébration culturelle, fusionnant des éléments de jazz, de funk, de highlife et de rythmes traditionnels africains.
« There Is No End » se présente comme un pont entre le passé et le futur. Tout au long de ses 14 titres, l’album présente une série de collaborations avec des artistes d’horizons divers, allant des rappeurs à la nouvelle vague de musiciens africains. Ce qui est remarquable, c’est que ces enregistrements ont été réalisés sans que Tony Allen ne soit physiquement présent. Les pistes ont été composées à partir de sessions de batterie enregistrées par Allen avant son décès, autour desquelles les artistes invités ont tissé leurs propres narrations musicales.
Dès les premières mesures de « Stumbling Down », avec Sampa the Great, on ressent une alchimie palpable. La voix de Sampa se marie avec les rythmes complexes d’Allen, créant une dynamique qui est à la fois méditative et incisive. Les paroles de la chanson parlent de résilience et de la lutte contre les obstacles, un thème récurrent tout au long de l’album.
L’un des points forts de « There Is No End » est « Cosmosis », qui voit les contributions de Ben Okri, écrivain nigérian lauréat du Booker Prize, et du rappeur américain Skepta. Cette piste se distingue par sa poésie parlée, qui flotte au-dessus d’une instrumentation qui évoque l’espace et le temps, établissant une connexion entre l’existentialisme et l’expérience noire.
L’album ne se contente pas d’explorer des thèmes sérieux; il y a aussi des moments de pure jouissance musicale. « Crushed Grapes », avec Lord Jah-Monte Ogbon, est une ode au hip-hop, à la fois dans sa production et dans son exécution. La piste est un rappel que l’afrobeat et le hip-hop ont toujours partagé une parenté rythmique, une conversation entre les tambours et les mots.
La diversité des voix sur « There Is No End » est un autre témoignage de l’influence mondiale d’Allen. Des artistes comme Danny Brown, Marlowe et Tsunami contribuent à une tapestry sonore qui est à la fois variée et cohérente. Chaque artiste apporte son unicité tout en rendant hommage au style distinctif d’Allen.
La production de l’album mérite également une mention spéciale. Co-produit par Vincent Taeger, un admirateur de longue date et collaborateur d’Allen, l’album a été conçu pour que la batterie de Tony Allen soit au centre de chaque chanson. Le résultat est un son qui est à la fois brut et raffiné, permettant aux auditeurs de se concentrer sur l’expertise et la subtilité de la performance d’Allen.
Au-delà de la musique, « There Is No End » est une réflexion sur la mortalité et l’immortalité. Dans une industrie qui glorifie souvent les dernières tendances, cet album prouve que l’innovation peut être enracinée dans les traditions tout en regardant fermement vers l’avenir. C’est une déclaration audacieuse qu’en dépit de la fin d’une vie, l’écho de l’art et de l’influence d’un individu peut continuer à se propager sans fin.
En somme, « There Is No End » est plus qu’un simple album; c’est une célébration de la vie et de l’héritage d’un musicien qui a redéfini les limites de la musique. C’est un rappel que l’art peut transcender l’artiste et que, même dans l’absence physique, le rythme continue. Pour les fans de longue date de Tony Allen, cet album est une dernière conversation avec le maestro. Pour les nouveaux auditeurs, c’est une introduction à une force qui a façonné la musique moderne de manières que l’on commence seulement à comprendre pleinement.
En écoutant « There Is No End », on ne peut s’empêcher de ressentir une profonde gratitude pour Tony Allen. Sa contribution à la musique ne se mesure pas seulement en chansons ou en albums, mais dans les battements de cœur qu’il a inspirés chez les autres musiciens et les auditeurs à travers le monde. Alors que l’album se termine, on est laissé avec une sensation de plénitude et de réflexion, et la reconnaissance que bien que la voix d’Allen se soit tue, son message et sa musique résonnent encore et toujours.