My Bloody Valentine
My Bloody Valentine : L’épopée d’un groupe mythique du shoegaze
My Bloody Valentine est bien plus qu’un simple groupe de rock alternatif. Fondé au début des années 1980, le groupe a redéfini les contours du paysage musical avec son mélange unique de guitares saturées, de mélodies éthérées et d’une production révolutionnaire. Leur influence sur le genre shoegaze, et plus largement sur la musique alternative, est immense. Mais qui sont-ils vraiment ? Quels chemins sinueux les ont menés à leur statut de légende culte ? Plongeons dans l’histoire fascinante de My Bloody Valentine.
Les débuts : entre punk et post-punk
L’histoire de My Bloody Valentine débute en 1983 à Dublin, en Irlande, lorsque Kevin Shields (guitare, chant) et Colm Ó Cíosóig (batterie) se rencontrent. Les deux musiciens partagent une passion pour le punk et le post-punk, des genres en pleine effervescence à l’époque. Avec le bassiste initial Mark Ross et le chanteur David Conway, le groupe se forme sous l’influence de groupes comme The Birthday Party, Joy Division, et Siouxsie and the Banshees.
Après un déménagement à Londres et plusieurs ajustements de line-up, le groupe enregistre son premier mini-album, « This Is Your Bloody Valentine », en 1985. À ce stade, leur son est encore brut et fortement inspiré par le post-punk, loin du style shoegaze qui les définira plus tard. Ce premier effort passe relativement inaperçu, mais il pose les bases de leur expérimentation sonore.
L’évolution vers un son distinctif
Un tournant important pour My Bloody Valentine survient avec l’arrivée de Bilinda Butcher en tant que chanteuse et guitariste en 1987. Sa voix douce et rêveuse devient un élément central de leur identité sonore. À cette époque, Kevin Shields commence également à expérimenter avec des techniques de guitare novatrices, notamment l’utilisation du « tremolo arm » pour créer des textures sonores fluctuantes. Ces innovations deviendront une signature de leur musique.
En 1988, le groupe sort deux EPs marquants : « You Made Me Realise » et « Feed Me With Your Kiss ». Ces enregistrements montrent un son en pleine mutation, mêlant mélodies pop et murs de guitares saturées. Les critiques commencent à noter leur originalité, et leur réputation grandit dans le milieu underground.
L’apothéose : « Isn’t Anything »
La consécration arrive en 1988 avec la sortie de leur premier album complet, « Isn’t Anything ». Ce disque est souvent considéré comme le premier véritable album shoegaze, un genre qui tire son nom de l’attitude des musiciens sur scène, souvent concentrés sur leurs pédales d’effets.
« Isn’t Anything » est une révolution sonore. L’album combine des guitares bruyantes et distordues avec des voix aériennes et hypnotiques. Des morceaux comme « Soft As Snow (But Warm Inside) » et « Feed Me With Your Kiss » montrent une capacité unique à fusionner chaos et beauté. Les critiques acclament l’album, et My Bloody Valentine s’impose comme un groupe avant-gardiste.
« Loveless » : le chef-d’œuvre absolu
En 1991, My Bloody Valentine entre dans la légende avec leur second album, « Loveless ». Ce disque est souvent cité comme l’un des meilleurs albums de tous les temps, non seulement dans le shoegaze, mais dans l’ensemble de la musique alternative.
« Loveless » est le résultat de près de deux ans d’enregistrement et d’un processus créatif notoirement complexe. Kevin Shields, perfectionniste extrême, passe des mois à peaufiner chaque détail. Les sessions d’enregistrement sont chaotiques, avec des changements fréquents de studios et des tensions croissantes au sein du groupe. La rumeur veut que l’album ait coûté près de 250 000 £, une somme astronomique pour l’époque, et qu’il ait presque ruiné leur label, Creation Records.
Musicalement, « Loveless » est une véritable odyssée sonore. Les morceaux comme « Only Shallow », « When You Sleep », et « Soon » plongent l’auditeur dans un univers onirique où les guitares semblent flotter et vibrer comme des entités vivantes. Les paroles sont souvent incompréhensibles, se fondant dans la musique comme un instrument supplémentaire. Cet effet est amplifié par les voix diaphanes de Bilinda Butcher et Kevin Shields, qui agissent comme des murmures dans une tempête de son.
La réception critique de « Loveless » est unanimement positive. L’album devient instantanément une référence, mais son succès commercial est plus limité. Malgré cela, son influence s’étend bien au-delà du shoegaze, touchant des artistes aussi divers que Radiohead, Tame Impala et Sigur Rós.
Les années de silence et la dislocation
Après « Loveless », My Bloody Valentine disparaît presque complètement. Les relations tendues au sein du groupe et les problèmes financiers de Creation Records contribuent à leur mise en pause. Kevin Shields, en particulier, sombre dans une longue période de réclusion artistique, incapable de finaliser de nouveaux projets.
Pendant plus de deux décennies, des rumeurs circulent sur un éventuel troisième album, mais aucune nouvelle musique ne voit le jour. Entre-temps, la légende de My Bloody Valentine continue de grandir, alimentée par la rareté de leurs apparitions publiques et la réputation de « Loveless ».
Le retour inattendu : « m b v »
En 2013, contre toute attente, My Bloody Valentine revient avec un nouvel album intitulé « m b v ». Ce disque marque la fin de 22 ans de silence et est accueilli avec une excitation immense par leurs fans et la presse.
« m b v » poursuit l’exploration sonore de « Loveless », tout en introduisant des éléments plus expérimentaux. Les morceaux comme « She Found Now » et « Only Tomorrow » montrent que le groupe n’a rien perdu de sa magie. Bien que l’album ne connaisse pas le même impact révolutionnaire que son prédécesseur, il consolide le statut du groupe comme des maîtres du shoegaze.
Héritage et influence
L’impact de My Bloody Valentine sur la musique est immense. Le shoegaze, un genre qu’ils ont popularisé, a influencé des générations de musiciens. Leur esthétique sonore a également trouvé un écho dans des genres comme le post-rock, le dream pop et même la musique électronique.
Des groupes comme Slowdive, Lush, et Ride ont émergé dans le sillage de My Bloody Valentine, tandis que des artistes plus contemporains comme M83, Beach House, et Deafheaven reconnaissent leur dette envers eux. La production novatrice de Kevin Shields, en particulier, est souvent citée comme une inspiration majeure par de nombreux producteurs et ingénieurs du son.
Une présence toujours mythique
Aujourd’hui, My Bloody Valentine reste un groupe culte. Ils se produisent occasionnellement en concert, offrant des performances live réputées pour leur volume sonore extrême. Bien que leur discographie soit limitée, leur impact culturel est indéniable.
En fin de compte, My Bloody Valentine est un groupe qui a su capturer un moment unique dans l’histoire de la musique tout en restant intemporel. Leur mélange de chaos et de beauté, d’innovation et de mystère, continue de fasciner des auditeurs à travers le monde. Pour beaucoup, ils incarnent l’essence même de la musique alternative : audacieuse, inventive et profondément émotive.