« Be Here Now » d’Oasis, sorti en 1997, a marqué un tournant dans la carrière du groupe britannique. Après le succès colossal de leurs deux premiers albums, « (What’s the Story) Morning Glory? » et « Definitely Maybe », l’anticipation était à son comble et la pression énorme sur les épaules du groupe mené par les frères Gallagher.
Le contexte dans lequel « Be Here Now » a été conçu est intrinsèquement lié à la scène britannique des années 90, baignant dans le mouvement Britpop qui a régné durant cette période. Oasis, aux côtés de groupes comme Blur, Pulp et The Verve, était l’un des piliers de ce mouvement, caractérisé par un retour aux sonorités pop/rock britanniques, une rébellion contre la montée de la grunge américaine, et une certaine nostalgie des sixties. Les mélodies contagieuses, les riffs de guitare accrocheurs et les textes à la fois réalistes et rêveurs de la Britpop ont conquis le Royaume-Uni et au-delà, et Oasis se trouvait au sommet de cette vague.
« Be Here Now » a été un défi, dans la mesure où il devait répondre à des attentes astronomiques. L’album devait à la fois rester fidèle à l’identité d’Oasis tout en explorant de nouvelles avenues artistiques. Enregistré dans un climat de fête perpétuelle, de tensions internes et d’abus de substances, le travail sur cet album a été tumultueux, et cette tempête créative se reflète dans le produit final.
La première piste, « D’You Know What I Mean? », donne le ton avec un mur du son de guitares, renforçant l’image du groupe en tant que rockstars incontestées de leur époque. Le morceau est à la fois une déclaration et une interrogation, reflétant peut-être les doutes qui planaient au sein du groupe. L’album dévoile également des morceaux tels que « Stand by Me » et « Don’t Go Away », des balades rock puissantes et mélancoliques, témoignant de la capacité du groupe à équilibrer des morceaux rock bruts et des ballades pleines d’émotion.
Cependant, « Be Here Now » a souvent été critiqué pour son excès : trop de couches de guitare, des paroles parfois jugées superficielles ou prétentieuses, et une durée de titres s’étirant parfois inutilement. Les paroles, en particulier, semblaient souvent ne pas avoir la profondeur ou la pertinence de celles des albums précédents, bien que la voix de Liam Gallagher soit restée aussi puissante et caractéristique qu’auparavant.
Ce troisième album explore des thèmes familiers mais les présente d’une manière qui se veut plus grandiose et ostentatoire. La gloire, l’amour, le passé et le futur sont enveloppés dans des mélodies qui oscillaient entre l’épique et l’indulgent. Le titre de l’album lui-même – « Be Here Now » – prône une philosophie du présent, un hymne à vivre l’instant, qui peut être perçu comme un reflet de l’état d’esprit du groupe à cette époque.
Malgré les critiques, « Be Here Now » a connu un succès commercial fulgurant, devenant l’album le plus rapidement vendu de l’histoire du Royaume-Uni à l’époque. Cependant, avec le recul, tant les membres du groupe que les critiques ont souvent pointé du doigt les excès de l’album comme un symptôme des dérives du groupe et de la scène rock du moment. Les années suivantes verraient Oasis tenter de se réinventer et de naviguer à travers les écueils de la célébrité, la drogue et les tensions internes qui finiraient par les conduire à leur séparation en 2009.
L’album est donc un point de mire intéressant sur la carrière d’Oasis, reflétant à la fois leur apogée et les fissures qui commenceraient à apparaitre dans leur façade. C’est un album qui, malgré ses défauts, demeure un témoin du temps et de la culture dans laquelle il a été créé, représentant une époque où le rock’n’roll pouvait encore être à la fois un triomphe commercial et un espace d’excès débridés.
« Be Here Now » est une capsule temporelle de l’apogée de la Britpop, un monument de ce que la musique peut créer : un moment éphémère où tout semble possible, mais qui peut également signaler le début de la fin.