Sorti en juin 1983, Plays Live est bien plus qu’un simple album live de Peter Gabriel ; c’est une vitrine sonore qui capture l’essence d’un artiste au sommet de sa créativité scénique. Cet album, enregistré lors de la tournée nord-américaine de 1982, reflète non seulement la maîtrise technique et musicale de Gabriel, mais également son approche novatrice du spectacle live.
Un contexte marquant
Peter Gabriel, après son départ du groupe Genesis en 1975, a développé une carrière solo marquée par une exploration audacieuse de nouveaux horizons musicaux. Ses quatre premiers albums solo (souvent simplement numérotés ou appelés « Car », « Scratch », « Melt » et « Security » par les fans) ont démontré son intérêt pour les sonorités électroniques, les rythmes complexes et les thèmes lyriques profonds. La tournée qui a donné naissance à Plays Live était en soutien à son quatrième album, Security (1982), marqué par l’utilisation extensive des nouvelles technologies comme le sampler Fairlight CMI.
Une performance à la hauteur de l’artiste
Plays Live se démarque par son équilibre entre la technique studio et l’énergie brute des concerts. Gabriel n’hésite pas à qualifier l’album de « live corrected », expliquant que certaines parties ont été retouchées en studio pour garantir une qualité sonore optimale tout en préservant l’authenticité de l’expérience live. Plutôt que de masquer ces modifications, il les assume pleinement, les décrivant comme une extension de l’art live.
L’album est réparti sur deux disques (ou deux cassettes à l’époque), avec un total de seize morceaux tirés des quatre premiers albums de Gabriel. La performance rassemble un groupe de musiciens talentueux : Tony Levin à la basse et au stick Chapman, Jerry Marotta à la batterie, David Rhodes à la guitare et Larry Fast aux claviers et synthés. Ces musiciens apportent une profondeur et une énergie éblouissantes à chaque morceau, rendant justice aux compositions complexes de Gabriel.
Une tracklist éclectique et puissante
L’album s’ouvre avec « The Rhythm of the Heat », une pièce puissante tirée de Security. Le morceau, inspiré par Carl Jung et ses expériences avec les rituels africains, met en avant les influences musicales du monde que Gabriel explorait intensément à cette époque. Les percussions hypnotiques et les montées dramatiques captivent immédiatement l’auditeur.
« I Have the Touch » suit, avec son énergie contagieuse et son rythme saccadé. Ce titre résume parfaitement l’approche unique de Gabriel, qui fusionne des paroles introspectives avec une instrumentation électrisante. Des morceaux comme « Family Snapshot » et « D.I.Y. » montrent sa capacité à naviguer entre des thèmes personnels et sociétaux, tout en maintenant une tension dramatique.
Un des points culminants de l’album est « Solsbury Hill », chanson autobiographique qui évoque la décision de Gabriel de quitter Genesis. Ce morceau reste un favori du public, et sa version live sur Plays Live capte parfaitement l’émotion brute et la joie sous-jacente du morceau. L’audience, palpable même dans l’enregistrement, réagit avec ferveur, ajoutant une dimension supplémentaire à la performance.
Parmi les autres moments forts, on retrouve « Biko », une élégante et puissante ode à l’activiste anti-apartheid sud-africain Steve Biko. Ce morceau, qui clôt l’album, est devenu un hymne de lutte contre l’injustice, et la version live sur Plays Live est particulièrement émouvante. Le chant collectif et les percussions profondes offrent une conclusion inoubliable.
Une production novatrice
Le son de Plays Live est remarquablement clair pour un album live des années 1980. L’utilisation d’une console mobile pour enregistrer les concerts et les ajustements studio soigneusement appliqués ont permis de créer un équilibre entre l’improvisation naturelle des performances live et la précision technique attendue des albums studio.
La production met également en avant le talent de Tony Levin et ses lignes de basse innovantes. Le stick Chapman, un instrument peu courant à l’époque, ajoute une texture unique à des morceaux comme « I Don’t Remember » et « Intruder ». De son côté, Larry Fast utilise les synthétiseurs pour créer des paysages sonores éthérés, tandis que la batterie de Jerry Marotta reste à la fois puissante et subtile.
L’impact culturel
Plays Live a non seulement consolidé la réputation de Peter Gabriel en tant que performeur exceptionnel, mais il a également influencé la manière dont les albums live étaient produits. L’honnêteté de Gabriel quant aux corrections en studio a été saluée comme un exemple de transparence dans une industrie souvent marquée par des ajustements cachés.
L’album a aussi contribué à populariser certains des thèmes chers à Gabriel, notamment son engagement pour les droits de l’homme et sa passion pour les musiques du monde. Des morceaux comme « Biko » ont résonné bien au-delà des concerts, trouvant une place dans des mouvements sociaux et des campagnes humanitaires.
Une expérience immersive
Ce qui distingue vraiment Plays Live des autres albums de son époque, c’est sa capacité à transporter l’auditeur au cœur du concert. La manière dont les morceaux sont enchaînés, les interactions de Gabriel avec le public et l’énergie palpable créent une immersion totale. Même à l’écoute en 2023, l’album conserve une fraîcheur et une pertinence remarquables.
L’héritage de Plays Live
Plays Live n’est pas seulement un album live : c’est une œuvre qui capture un moment charnière dans la carrière de Peter Gabriel, marquant son évolution en tant qu’artiste solo et performeur. Avec une production soignée, des performances éblouissantes et une sincérité rare, cet album demeure une référence incontournable pour les amateurs de musique live et les fans de Peter Gabriel. Il illustre brillamment comment la musique peut transcender les limites de la scène pour toucher des auditeurs à travers les décennies.